Comme
dans la Genèse, les ténèbres couvraient la face de l'abîme.
Dans
cet abîme désincarné, deux possibilités : le néant ou la
création. Les cendres ou la chair. Sans personne pour choisir. Faute
de même l'ombre d'une conscience, il n'y avait aucune place pour un
consentement éclairé.
Pendant
ce temps, dans l'univers insaisissable des soins intensifs, les
acteurs s'activent autour d'un seul but : la survie. Celle de la
patiente ou celle des potentiels receveurs d'organes.
Pour
l'instant, l'avenir de Julie baignait dans l'incertitude. Les organes
vitaux étaient dans un état surprenant en dépit des apparences. À
l'exception du cerveau. Après lui avoir ouvert le crâne et en avoir
extirpé caillots et fragments osseux, impossible de se prononcer sur
la réintégration d'une activité cohérente en ces lieux
sauvagement ravagés.
Une
situation compliquée par l'absence de tout proche ou d'une forme
quelconque d'expression de ses volontés. Attendre donc, attendre de
voir si la propriétaire réintégrerait de nouveau l'organisme.
Attendre qu'un curateur intègre le dossier.
Pendant
ce temps-là, Julie n'était pas morte. Ce qu'il y avait d'humain en
elle n'était encore présent; son niveau de conscience, extraction
faite des effets sédatifs de la médication, se rapprochait
lentement de celui de l'amibe. Déjà un progrès.
Un
flux constant de stimuli véhiculés par des neurones résiduels se
perdait dans la masse cérébrale sans que rien ne puisse être
interprété de l'intérieur ni de l'extérieur. La conscience n'est
pas encore suffisante pour être consciente d'être consciente.
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