vendredi 13 mai 2016

Prologue Version 1.0

Comme dans la Genèse, les ténèbres couvraient la face de l'abîme.
Dans cet abîme désincarné, deux possibilités : le néant ou la création. Les cendres ou la chair. Sans personne pour choisir. Faute de même l'ombre d'une conscience, il n'y avait aucune place pour un consentement éclairé.

Pendant ce temps, dans l'univers insaisissable des soins intensifs, les acteurs s'activent autour d'un seul but : la survie. Celle de la patiente ou celle des potentiels receveurs d'organes.
Pour l'instant, l'avenir de Julie baignait dans l'incertitude. Les organes vitaux étaient dans un état surprenant en dépit des apparences. À l'exception du cerveau. Après lui avoir ouvert le crâne et en avoir extirpé caillots et fragments osseux, impossible de se prononcer sur la réintégration d'une activité cohérente en ces lieux sauvagement ravagés.
Une situation compliquée par l'absence de tout proche ou d'une forme quelconque d'expression de ses volontés. Attendre donc, attendre de voir si la propriétaire réintégrerait de nouveau l'organisme. Attendre qu'un curateur intègre le dossier.

Pendant ce temps-là, Julie n'était pas morte. Ce qu'il y avait d'humain en elle n'était encore présent; son niveau de conscience, extraction faite des effets sédatifs de la médication, se rapprochait lentement de celui de l'amibe. Déjà un progrès.

Un flux constant de stimuli véhiculés par des neurones résiduels se perdait dans la masse cérébrale sans que rien ne puisse être interprété de l'intérieur ni de l'extérieur. La conscience n'est pas encore suffisante pour être consciente d'être consciente.



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